2048 : votre performance décide de tout
En 2048, le culte de la performance dicte chaque respiration, chaque mouvement de la société occidentale. Mais à quel prix cette ascension sociale, où même le repos est devenu un luxe interdit, menace-t-elle l’humanité ?
Nous plongeons dans une société où la hiérarchie n’est plus seulement professionnelle, mais se construit aussi à travers les exploits sportifs et écocitoyens. Les citoyens accumulent des points en participant à des marathons, des compétitions d’échecs ou des triathlons, alimentant un quotient qui définit leur place sociale. Dès lors, chaque seconde de l’existence doit être optimisée pour gravir les échelons ou, à tout le moins, préserver une position devenue fragile.
C’est ce monde glaçant que Dylan Heskin explore dans son premier roman de science-fiction, Performants. À travers ce récit visionnaire, l’auteur livre une critique acérée du « toujours plus loin, toujours plus fort » qui ronge nos sphères professionnelles et sportives. Il imagine un futur où l’amélioration physique est encouragée par la légalisation du dopage et le recours aux implants cognitifs ou aux exoprothèses.
L’ambition dévorante de Thomas Durand
Thomas Durand, jeune consultant arrogant et animé par une ambition sans limites, incarne pleinement cette idéologie capitaliste libérale. Il rêve d’intégrer le segment privilégié des « Performances » et enchaîne les marathons pour accumuler les points nécessaires. Mais son corps, sollicité au-delà du raisonnable, commence à lui envoyer des signaux d’alerte — des faiblesses qu’il choisit délibérément d’ignorer.
Parallèlement, le roman suit le parcours d’Helena Sacks, artiste montréalaise et ancienne enseignante de philosophie. Elle incarne une vision du monde opposée, celle d’un humanisme en voie de disparition. Confrontée aux traumatismes ravivés par le départ de son conjoint, elle prend douloureusement conscience de la perversion idéologique qui les entoure. Est-il encore possible de s’écouter lorsque la société impose une logique de guerre permanente ?
Quand la technologie efface l’humain
Le roman pousse encore plus loin la réflexion en imaginant un techno-féminisme de quatrième vague. Grâce aux utérus artificiels et à la parthénogenèse, les femmes peuvent désormais se passer totalement des hommes dans le processus reproductif. Cette évolution technologique, issue d’un anti-humanisme assumé, rend la vie commune impossible et accentue la séparation entre les individus. La performance n’est-elle pas, finalement, le symptôme d’une dissolution du lien social ?
Dans cet avenir, les conséquences de la non-performance sont immédiates et brutales. Ceux qui ne parviennent plus à répondre aux exigences voient leur quotient social s’effondrer, entraînant un déclassement progressif. Ils perdent alors l’accès à des droits fondamentaux : soins médicaux, prêts bancaires, voire logement.
Le cri d’alarme du corps ignoré
Dylan Heskin révèle que ce récit trouve sa source dans sa propre expérience d’effondrement physique et psychique. Ancien adepte de musculation et de course à pied intensive, il a ignoré les signaux d’épuisement jusqu’au malaise, puis au burnout. En poursuivant l’idéal du corps sec et performant, il s’est heurté à un rappel brutal de ses limites biologiques.
Pour autant, la performance n’est pas condamnée en bloc. Lorsqu’elle s’inscrit dans le respect de soi et des autres, elle peut devenir vertueuse. L’auteur s’inspire notamment des travaux d’Olivier Lafay, philosophe qui rejette la logique du « no pain no gain ». Ainsi, Performants ne prône pas un développement personnel à l’américaine, mais esquisse les contours d’un véritable développement humain.
Se retrouver à l’écoute de soi
Le roman rappelle que, dès l’enfance, notre boussole interne est souvent déréglée, nous rendant incapables d’accueillir les signaux de fatigue. Plutôt que de chercher à être le meilleur — au risque d’écraser les autres —, il serait plus juste de viser la satisfaction et l’équilibre dans le travail accompli. Performants agit alors comme une effraction du réel, nous contraignant à réentendre les lois biologiques que nous avons trop longtemps ignorées.
Si l’effondrement peut devenir l’acte fondateur d’une œuvre, ne devrions-nous pas, avant qu’il ne soit trop tard, reconsidérer les limites de notre soif insatiable de performance ?
3 raisons (parmi d’autres) de lire Performants
- Burn-out – Accumulez des points sportifs ou perdez votre droit de vivre.
- Dopage légal – Implants et exoprothèses boostent vos performances physiques et cognitives.
- Séparation radicale – Utérus artificiels et clonage éloignent hommes et femmes.
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