En Lorraine, l’Âge de Fer révèle ses lourds secrets

Plongez dans les secrets de famille les plus profonds de la Lorraine, une terre façonnée par l’acier et l’immigration. Que se passe-t-il lorsque le passé, violent et oublié, resurgit pour défier nos perceptions actuelles ?

L’illusion d’une migration « passée crème »

Nous aimons la pizza et les pâtes, croyant souvent que les migrations italiennes se sont déroulées sans heurts. Pourtant, la réalité fut tout autre, très compliquée, douloureuse et violente. Cécile Baudin, avec son roman « Dur comme fer » (Presse de la Cité), nous invite à explorer cette époque méconnue. Son œuvre nous transporte au début du 20e siècle, suivant un Italien fuyant sa famille mafieuse pour travailler dans les mines de fer de Lorraine.

Lorraine : Un creuset de tensions sociales extrêmes

La Lorraine du début de siècle connaissait une transformation industrielle intense, avec un besoin urgent de main-d’œuvre. Beaucoup d’Italiens, venant du sud pauvre de l’Italie, y ont immigré massivement, certains villages comptant jusqu’aux deux tiers d’Italiens. Leur arrivée a malheureusement généré des conflits sociaux et syndicaux profonds, des tensions entre « jaunes » et « rouges » qui résonnent avec des événements plus récents. Des sociologues et historiens évoquent même des « chasses à l’ours » où des Italiens étaient pourchassés et assassinés.

Quand la main-d’œuvre devenait cible : Conflits et violences

La population locale avait besoin des Italiens pour les mines, car les agriculteurs lorrains refusaient ce travail dangereux. Cependant, une fois sur place, ces migrants étaient confrontés à des problèmes majeurs, notamment le manque de logement et la création de bidonvilles. Les conditions sanitaires y étaient effroyables, favorisant de nombreuses maladies. Cette période, vieille d’à peine un siècle, nous rappelle à quel point l’histoire se répète. N’est-il pas saisissant de constater ces parallèles avec nos problématiques contemporaines ?

Nando : Un héros malgré lui, face à la mafia et aux grèves

« Dur comme fer » raconte les mésaventures de Nando, un homme non-violent qui ne rêve que de paix. Il tente d’échapper à sa famille mafieuse en Italie, puis aux luttes syndicales en France, mais les ennuis le trouvent toujours. Le roman est une quête personnelle et familiale, un polar historique qui éclaire l’histoire de l’acier français, des mines aux hauts fourneaux. C’est un récit poignant d’un homme face à une effervescence sociale très forte et souvent violente.

L’art de l’immersion : Quand l’auteur « tourne son film »

Pour Cécile Baudin, la recherche est la partie la plus longue et passionnante de l’écriture. Elle s’immerge totalement dans ses sujets, travaillant d’abord sur la bibliographie, puis explorant les lieux comme une réalisatrice. Pour « Dur comme fer », elle a fouillé les archives départementales de Nancy, lu les journaux d’époque, et même visité des mines. Elle a rencontré des passionnés, comme ce monsieur possédant la plus grande collection de cartes postales de 1905, pour saisir l’ambiance et l’iconographie. Elle se projette tellement qu’elle « sent les odeurs » et « entend les bruits » des mines en écrivant, construisant son histoire comme un storyboard de film. N’est-ce pas une manière unique de raconter l’histoire ?

Du passé au présent : L’écho des bouleversements

Le roman historique permet d’éclairer indirectement des problématiques actuelles, loin d’être si « historiques » que ça. Cécile Baudin utilise ce décalage pour parler de choses contemporaines, comme une dystopie se déroulant dans le passé. Elle sélectionne les informations les plus pertinentes, ne gardant que « les 10 meilleurs citrons » pour servir l’histoire. Son objectif est d’embarquer le lecteur dans des atmosphères étranges et évocatrices, comme les mines et les hauts fourneaux de « Dur comme fer ». Finalement, le roman historique est un peu le « préquel du contemporain ».

Cette aventure littéraire, un concentré de cinéma et du monde ouvrier, nous rappelle que l’histoire, aussi lointaine soit-elle, éclaire toujours nos réalités contemporaines.

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